Autres Maladies Rares du Neurone Moteur

Maladies du neurone moteur : ensemble d’affections qui touchent sélectivement les neurones moteurs (cellules nerveuses de la commande motrice).

En référence anatomique au système nerveux :

neurones moteurs « supérieurs » (NMS), situés dans le cerveau,
neurones moteurs « inférieurs » (NMI), situés dans la moelle épinière incluant la région bulbaire.

Les NMS transmettent les mouvements volontaires. Le signal fait relais dans les NMI vers les muscles des membres par l’intermédiaire des nerfs moteurs.

Les muscles à activation volontaire sont définis par opposition à la musculature autonome qui intéresse : tube digestif, des sphincters, des vaisseaux sanguins, du cœur ou de la pupille.

Les muscles des membres supérieurs sont sous contrôle des neurones spinaux cervicaux, ceux du thorax des neurones spinaux dorsaux ou thoraciques, ceux des membres inférieurs des neurones spinaux lombaires.

La région de l’oropharynx est affectée quand les neurones bulbaires sont impliqués.

La respiration est affectée lors de l’atteinte de la commande des muscles respiratoires accessoires et du diaphragme.

Les maladies du neurone moteur affectent soit les NMS, soit les NMI soit les 2 types. Elles ont en conséquence comme caractéristique commune une atteinte de la fonction motrice volontaire qui se traduit selon la prédominance de l’atteinte sur l’un des types, pour les NMI : faiblesse des muscles, perte de force, paralysie et perte de la trophicité du muscle (amyotrophie), pour les NMS : augmentation du tonus musculaire (hypertonie ou spasticité).

La classification la plus souvent retenue est celle la 10° Classification Internationale des Maladies (ICD-10). Une de ces maladies, pourtant liée à une atteinte du neurone moteur, est exclue de cette classification : l’amyotrophie spinale.

Sclérose Latérale Amyotrophiques (SLA), Amyotrophie Bulbo Spinale liée à l’X ou maladie de Kennedy, et la Sclérose Latérale Primitive sont décrites ailleurs.

Groupes proches de la SLA

Scléroses latérales amyotrophiques familiales

Ces formes représentent de 10 à 15% de l’ensemble des SLA.

On parle de SLA familiale si au moins 1 cas est connu dans la généalogie d’une personne atteinte de SLA, quel que soit le lien de parenté à condition qu’il soit génétiquement lié. Cette situation représente environ 10% des cas de SLA toutes formes confondues.

On parle de SLA génétique si une mutation connue pour être causale a été détectée chez un individu, exprimant ou non la maladie. Cet individu peut être membre d’une famille dans laquelle la même mutation a été mise en évidence chez 1 ou plusieurs membres génétiquement reliés ou peut être un cas isolé dans sa famille.

De très nombreuses mutations portées par une quarantaine de gènes sont actuellement connues comme pouvant être à l’origine de SLA génétique. Quatre gènes sont principalement en cause : C9ORF (près de 40% des cas), SOD1 (jusqu’à 20%), TDP43, FUS et d’autres (voir fiche Génétique de la SLA). Chacune de ces formes reliées à 1 gène a des caractéristiques quant à sa présentation clinique et son mode évolutif tout en restant dans la cadre général décrit pour la SLA. Elles constituent cependant autant de maladies différentes mais, à ce jour, leur classification reste néanmoins associée à la SLA comme une maladie unique alors qu’il s’agit bien de maladies de causes différentes.

Variantes cliniques de SLA

La SLA peut se présenter sous de nombreuses variantes symptomatiques selon la localisation de l’atteinte initiale (spinale ou bulbaire) et selon la topographie anatomique (membre supérieur ou membre inférieur, bilatéralité ou asymétrie marquée…) ou encore la vitesse de progression pouvant aller de 3 à 15 ans voire plus. On identifie cependant certaines formes particulières.

Paralysie pseudobulbaire
On désigne sous ce terme des formes de SLA exprimant une souffrance limitée aux NMS (expression d’exagération des réflexes et d’hypertonie) et où la localisation des manifestations reste longtemps limitée en territoire d’innervation bulbaire (oropharynx) c’est-à-dire avec dysarthrie et dysphagie prédominantes sans atteinte dans d’autre territoire. Cette forme peut se prolonger plusieurs années ou évoluer vers une forme typique généralisée de SLA.

Atrophie musculaire progressive et Paralysie bulbaire progressive
Ce sont des variantes de SLA exprimant une souffrance exclusive des NMI (expression motrice pure) en territoire respectivement des membres (innervation spinale cervicale et/ou lombaire) ou en territoire oropharyngé (innervation bulbaire). L’évolution se fait après plusieurs mois ou année vers une généralisation des signes moteurs.

Syndrome Flail arm ou diplégie amyotrophique brachiale ou forme SLA spinale de Vulpian
Le terme flail arm signifiant littéralement « bras en fléau », cette forme se caractérise par une atteinte bilatérale déficitaire à début à l’extrémité supérieure des membres supérieurs (épaule – territoire brachial) de type prédominance d’atteinte des NMI (déficit et amyotrophie). La faiblesse est progressivement symétrique et s’étend de façon descendante, vers la main, dans les 2 bras. L’évolution peut ensuite s’accompagner d’un déficit des muscles extenseurs du cou donnant un syndrome de la tête tombante.

Cette variante est plus fréquente chez l’homme. Elle n’évolue que tardivement vers une atteinte des autres territoires. Le pronostic est meilleur que dans la SLA avec une espérance de vie moyenne supérieure à 7 ans.

Syndrome Flail leg ou forme pseudo polynévritique de SLA
Caractérisée par une atteinte de type NMI (déficit et amyotrophie), asymétrique, des membres inférieurs. Le ratio homme-femme est de 1. Cette forme évolue après 7 ou 8 ans vers une extension aux autres territoires, son pronostic vital est donc significativement supérieur à celui de la SLA.

Atrophie monomélique
Cette variante est une maladie des NMI exclusivement. Elle se présente de façon très insidieuse, plutôt chez un adulte jeune, avec faiblesse et atrophie focale et isolée de l’extrémité distale d’un bras (main et avant-bras). Elle touche plus le sexe masculin (ratio H/F de 10 :1). Le membre inférieur du même côté peut être atteint de même que le bras opposé peut être très légèrement atteint. Les symptômes peuvent être aggravés par le froid. Sur l’IRM cervicale on objective une atrophie médullaire cervicale basse. Le déficit n’évolue pas. Typiquement elle représente ce qui a été décrit en 1987 par Hirayama et col. sous le nom de d’amyotrophie oblique et aussi appelée maladie d’Hirayama.

Syndrome FOSMN (neuronopathie sensitivomotrice à début facial)
Identifié en 2006, ce syndrome est caractérisé par un début par une dysesthésie faciale (sensations anormales) pouvant s’étendre au cou voire au tronc avec apparition secondaire d’un syndrome bulbaire avec dysarthrie, dysphagie faiblesse musculaire, d’abord de l’extension du cou, puis ensuite des membres avec crampes et fasciculations. L’évolution est beaucoup plus lente que pour la SLA bulbaire mais se dirige ensuite vers une généralisation des déficiences motrices, limitée à une atteinte des NMI. L’ENMG retrouve des signes neurogènes, aucune anomalie biologique ou du LCR, ni à l’IRM n’est détectée. L’origine semble proche de celle de la SLA puisqu’on retrouve le marqueur TDP43 dans les neurones moteurs atteints.

Complexe SLA - démence frontotemporale (complexe SLA/DFT)

La présence au cours de la SLA de troubles cognitifs et comportementaux (altération du jugement et troubles de l’exécution de tâches) a été parfaitement établie au cours des 10 dernières années. Ces troubles sont liés à la perte de neurone dans le cortex frontal et temporal, parallèlement à la perte des neurones moteurs. Avec la systématisation de tests neuropsychologiques spécifiques on sait que ces troubles sont présents chez plus de 50% des personnes atteintes de SLA. Ils restent le plus souvent mineurs avec apathie, replis sur soi, manque de motivation, infantilisation ou trouble du comportement alimentaire, et peuvent être confondus avec des manifestations dépressives. Ils peuvent être avérés dans environ 15% des cas avec désinhibition, comportements rituels, agressivité, fugues, troubles de mémoire voire troubles du langage et de la compréhension, les manifestations motrices de DFT restant difficiles à individualiser dans le contexte de SLA. Lorsqu’avérées ces manifestations de démences ont une lourde incidence sur la prise en charge.

Les relations entre SLA et DT sont renforcées par des études génétiques. Le gène causal le plus souvent rencontré dans la DFT comme dans la SLA est C9ORF72 et donc bien sûr dans les formes SLA/DFT. Elles sont aussi renforcées par la présence d’accumulation de la protéine TDP43 dans les neurones affectés dans la SLA comme dans la DFT. Ces 2 maladies sont considérées comme faisant un continuum, chacune si cliniquement isolée en étant l’extrémité.

Autres pathologies du neurone moteur

Amyotrophie spinale

C’est une maladie des neurones moteurs de la moelle (bien que non classée dans ce groupe selon les classifications internationales), d’origine génétique par mutation dans le gène SMN ; de transmission autosomique récessive. On en distingue 4 types selon l’âge d’apparition dont le potentiel évolutif décroit selon l’âge des premières manifestations. Le type 1 est à début néonatal, le type 2 de la petite enfance, le type 3 juvénile et le type 4 adolescent ou adulte. C’est ce dernier qui peut se confondre avec une des maladies du neurone moteur dont fait partie la SLA. Le tableau clinique est celui d’une faiblesse musculaire avec atrophie secondaire touchant d’abord les racines des membres inférieurs puis évoluant vers une faiblesse proximale des 4 membres. Plus le début est tardif, plus l’évolution est lente. Le diagnostic repose sur le contexte familial et la recherche de mutation dans le gène SMN. Une thérapie génique ciblée est désormais disponible mais dont l’efficacité semble nettement plus importante pour les types 1 et 2 que dans les formes débutantes chez l’adolescent ou l’adulte.

Paraparésie spastique héréditaire

Ce terme recouvre un groupe hétérogène de maladies génétiques dues à un ensemble de gènes (plus de 70 gènes connus) dont le dénominateur commun est de se traduire au plan clinique par une atteinte des neurones moteurs supérieurs avec paraparésie spastique très lentement évolutive. En ce sens ces maladies peuvent cliniquement être très proches de la sclérose latérale primitive. De fait, selon le type génétique, diverses manifestations neurologiques non motrices peuvent être associées. Le contexte familial et les manifestations extra motrices éventuelles permettent de les distinguer. Il est parfois nécessaire de tester le panel de gènes impliqué pour établir le diagnostic, ce qui est important en terme pronostic et de conseil génétique familial. En dehors des formes à début dans l’enfance, l’évolution est lente.

Autres pathologies des cordons médullaires

Syndrome de Mills

Décrit en 1899 par CK Mills, ce syndrome est une paralysie progressive ascendante, unilatérale, sans trouble sensitif sauf possiblement une hyperesthésie, mais souvent associé à des manifestations pyramidales de raideur et exagération des réflexes dans le même territoire voire une faiblesse faciale. Il est comparé à une hemi sclérose latérale primitive. La caractéristique diagnostique est à l’exploration PET-scan la présence d’hypersignaux d’activation dans le cortex moteur controlatéral. Le pronostic vital est peu altéré.

Maladie d’Alexander

C’est une leucodystrophie d’origine génétique (mutation dans le gène GFAP) qui peut être mortelle. Bien qu’il s’agisse généralement d’une affection de l’enfant des cas avec début jusqu’à 70 ans ont été décrits. Le tableau est celui d’une atteinte bulbaire progressive avec dysphagie et syndrome pyramidal. Ce tableau, surtout s’il débute chez un adulte de 50 à 70 ans, peut facilement être confondu avec une SLA bulbaire. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une atrophie médullaire à l’IRM cervicale et la recherche de mutation dans le gène causal. Son diagnostic permet d’orienter sur une prise en charge spécifique.

Myélopathies métaboliques

Les déficits en vit B12 ou en cuivre sont connus pour donner des myélopathies progressives ressemblantes à une maladie des neurones moteurs. Ils s’en différencient par la présence de troubles sensitifs associés, d’images caractéristiques en IRM de la moelle mais pas toujours présentes et de perturbation des dosages sanguins.

L’adrenomyéloneuropathie est une maladie héréditaire à transmission liée à l’X avec mutation dans le gène ABCD1 responsable du transport des acides gras à très longue chaine. Les hommes et femmes porteurs de cette mutation peuvent développer à l’âge adulte (30 à 40 ans) une symptomatologie de myélopathie symptomatique dans les membres inférieurs associée à une ataxie et des troubles vésicaux. L’IRM n’est d’aucun secours, le bilan lipidique attire l’attention pour déclencher des explorations diagnostiques ciblées.

Le Konzo est le terme courant qui décrit une paraparésie spastique pure irréversible qu’on observe chez les femmes jeunes en Afrique sub-saharienne. Cette maladie apparait sur un terrain génétique favorisant et est liée à une sensibilité à l’effet cyanogène du manioc.

Myélopathies cervicarthrosiques

Liées à des remodelages ostéo-cartilagineux des vertèbres et apparaissant avec l’âge, elles sont dus à une souffrance médullaire par compression. Les tableaux cliniques, d’apparition insidieuse et lente, sont composés de faiblesse musculaire et d’atrophie touchant les membres de façon généralement asymétrique, le plus souvent en partie distale des membres supérieurs. Il peut s’y associer des troubles sensitifs, particulièrement si les racines nerveuses médullaires sont aussi touchées. Ces troubles sensitifs sont alors focalisés aux territoires correspondants aux zones d’innervation des racines. Le diagnostic repose sur des explorations par IRM des vertèbres et de la moelle. Touchant souvent les sujets les plus âgés, il faut un avis d’expertise neurologique avant d’envisager une approche neurochirurgicale car peuvent en fait révéler une SLA débutante sur un terrain cervicarthrosique.

Poliomyélite et autres atteintes virales

La poliomyélite est une rare complication de l’infection par le virus de la poliomyélite caractérisée par la destruction des cellules de la corne antérieure de la moelle dont les neurones moteurs inférieurs. Elle a été grandement éradiquée par la vaccination. La manifestation est une paralysie aigue avec hypotonie musculaire asymétrique touchant plus fréquemment les muscles proximaux des membres et particulièrement des membres inférieurs. Des douleurs musculaires et des spasmes précèdent l’atteinte motrice. Une extension bulbaire et des troubles respiratoires peuvent être présents. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’ARN viral par PCR dans le LCR. Après l’accès aigu, le déficit peut progressivement s’améliorer mais laisse des séquelles de faiblesse.

D’autres virus peuvent donner des tableaux similaires : des entérovirus (coxsakie, echovirus, et entérovirus 71) ou des flavivirus (West Nile virus).

Syndrome post-polio

Ce syndrome se manifeste après plusieurs décennies de latence suite à un épisode de poliomyélite, parfois même après totale récupération par une reprise évolutive de l’atrophie et de la faiblesse dans les territoires atteints voire même en les dépassant. Les symptômes regroupent fatigue, faiblesse musculaire et aggravation de l’atrophie, ils peuvent inclure dysphagie et troubles respiratoires. Sa cause demeure inconnue, une reprise de la dégénérescence des unités motrice touchées restant à ce jour la seule explication. On estime que 25 à 50% des personnes ayant développé une poliomyélite peuvent présenter un syndrome post-polio.

Lien vers le PNDS Syndrome post-poliomyélitique et effet du vieillissement chez les personnes atteintes de séquelles de poliomyélite antérieure aiguë

Atteintes toxiques

Bien que rares, ces atteintes sont brièvement décrites ici car sont des causes traitables d’atteinte des neurones moteurs inférieurs. Les intoxications au plomb ou les neuropathies de la porphyrie peuvent être en cause. L’intoxication au plomb entraine une neuropathie motrice subaiguë avec déficience du poignet et des extenseurs des doigts comme on peut le voir dans la SLA. La porphyrie est une maladie métabolique héréditaire du sang. Elle induit des crises de déficit moteur aigu tel que paralysie de l’élévation du poignet ou du pied accompagnés de symptômes gastro-intestinaux et cognitifs.

Neuropathies motrices

Il ne s’agit pas ici de maladies des neurones moteurs à proprement parler mais de maladies neurologiques de symptomatologie proche.

Neuropathies motrices héréditaires distales

Ce type de neuropathie partage le caractère d’évolution lentement progressive distale des membres d’une faiblesse par atteintes des NMI. Il s’agit d’un groupe de maladies hétérogènes, souvent à début chez l’adulte, reliées à de nombreuses mutations génétiques et de présentation clinique variable (avec paralysie des cordes vocales, avec détresse respiratoire, avec syndrome pyramidal…) qui peuvent être très similaires à une forme de SLA. La présence de manifestations sensitives oriente sur le groupe de maladies de Charcot-Marie-Tooth. Elles sont le plus souvent en lien avec des mutations des gènes BCL2, HSP1, HSPB8 ou GARS. L’atteinte des cordes vocales oriente vers des mutations des gènes DCTN1, SLC5A7 ou TRPV4.

Neuropathies dysimmunitaires

De nombreuses neuropathies dysimmunitaires se présentent comme purement motrice distale des membres comme une atteinte des NMI. Il s’agit du syndrome de Guillain Barre, avec ses variantes connues sous les noms de neuropathie motrice axonale (AMAN) ou de polyneuropathie démyélinisant inflammatoire chronique (CIDP), ou de mononeuropathies à bloc de conduction avec anticorps anti GM1. Les neuropathies à blocs sont particulièrement trompeuses car aux manifestations déficitaires peuvent s’ajouter une exagération des réflexes