Communiqué du 22 mai 2017 rédigé par la filière SLA suite à la réunion du réseau européen ENCALS (18-20 mai, Slovénie).
Document FILSLAN du 22 mai 2017
Comme il avait été annoncé, une large place a été faite à la présentation des résultats de l’étude de la molécule AB 1010 (Masitinib) de AB Science-SA dans la SLA (étude AB 10015, NTC 02588677) lors du Congrès de l’European Network to Cure ALS (ENCALS) qui s’est tenu à Ljubljana du 18 au 20 mai 2017.
Des arguments convaincants d’un effet neuro-protecteur du Masitinib (inhibiteur de protéines kinases), par sa capacité à réguler la prolifération astrocytaire et la neuro-inflammation dans le système nerveux central et dans le système nerveux périphérique, ont été démontrés par le Pr Luis Barbeito (Institut Pasteur de Montevideo) sur des études expérimentales précliniques sur un modèle de rat muté SOD1G93A traité en post-symptomatique. Reste à savoir quelle est la spécificité du processus cellulaire inflammatoire ciblé, et en particulier, s’il est initial ou conséquence de la mort neuronale dans la SLA, mais quoi qu’il en soit, étant généralement admis qu’il contribue à exacerber le processus de dégénérescence neuronale, le réguler avec un traitement ne peut être que bénéfique.
Les résultats de l’étude clinique AB 10015 ont été présentés par le Pr Jésus S Mora (Hôpital Universitaire La Paz, Madrid). Il s’agit d’une étude randomisée (Masitinib à 3 ou 4,5 mg/kg/j) contre placebo, associé au Riluzole, d’une durée de 48 semaines sur une population de 394 patients. Pour l’analyse des résultats, la population a été stratifiée selon la vitesse estimée de la progression de la maladie, définissant une population de progresseurs dit « normaux » (106 patients), pour lesquels la diminution du score de l’échelle ALSFRS-R entre le début de la maladie et l’entrée dans l’étude était inférieure à 1,1 points/mois (il est à noter que la valeur de 1,1 points, permettant ici de distinguer deux populations à caractéristiques différentes de progression, est arbitraire, ce n’est pas celle habituellement retenue dans la littérature où il est considéré que la progression moyenne de la maladie pour une population globale de patients SLA, jugée sur la progression du score ALSFRS-R, est de l’ordre de 0,6 à 0,9 points/mois).
L’analyse est faite sur 2 populations, une population regroupant les progresseurs « normaux » et une population totale incluant progresseurs « normaux » et progresseurs « rapides » en comparaison respective avec la population placebo et ceci pour les 2 bras de traitement 3 ou 4,5 mg/Kg Masitinib. Le score ALSFRS-R (échelle fonctionnelle spécifique validée en 48 points) est utilisé comme critère principal de jugement de l’étude. Le critère principal de l’étude est considéré comme atteint sur le résultat statistiquement significatif d’une diminution de l’évolution de la pente du score ALSFRS-R sur la durée de l’étude pour le groupe à progression « normale » traité à 4,5 mg/kg comparé au groupe placebo. La différence observée est en moyenne de 3,4 points sur les 48 semaines entre ce groupe spécifique et la population témoin.
Les résultats ne sont pas significatifs dans le groupe de population totale ni pour la dose de 3 mg/kg/j.
Peu d’informations sont données quant aux résultats obtenus sur les critères secondaires de jugement de l’étude : fonction respiratoire (pente évolutive de FVC diminuée de 22%, non significatif) et échelle qualité de vie (ALS AQ-40 : différence de 28% sous traitement, significatif).
Ces résultats sont présentés comme positifs et preuve de l’efficacité du Masitinib sur l’évolution de la SLA. Leur interprétation néanmoins à ce stade doit rester prudente en raison de l’originalité, du moins dans le contexte de la SLA, de la méthodologie d’analyse employée. La séparation des 2 populations selon la vitesse de progression initiale est certes licite puisqu’on sait que la vitesse d’évolution de la SLA est une variable, sans savoir la raison de cette variabilité. Mais le critère de séparation est arbitraire dans cette étude et ne repose pas sur un rationnel établi. D’autre part l’utilisation de la méthode d’imputation par rapport à la dernière valeur disponible (mLCOF methodology) pour le suivi d’un patient donné, rend l’interprétation des résultats de progression du score ALFFRS-R difficile lorsqu’on ne connait pas les données brutes globales.
Enfin, dans toutes les études cliniques menées dans la SLA, le critère principal de jugement est la survie, l’évolution de l’échelle fonctionnelle ALSFRS-R n’étant qu’un critère secondaire. Dans la présente étude, la notion de survie est considérée en terme de « survie sans aggravation » (progressive free-survival – PFS). Cette notion statistique reste discutée dans la littérature bien qu’utilisée dans l’évaluation de traitements anticancéreux, mais n’a jamais été utilisée à ce jour dans des études sur la SLA, et du moins n’est qu’un reflet de la survie dans ce contexte comme le serait l’extrapolation de l’évolution de l’échelle fonctionnelle puisque jugeant la durée pendant laquelle la maladie ne s’aggrave pas durant un traitement. Ce PFS pour la population de répondeurs est donné comme modeste quoique significatif, mais à un temps intermédiaire de l’étude, le score à fin d’étude n’est pas communiqué.
Au plan de la tolérance, globalement pour la population traitée à 4,5 mg/kg de Masitinib, les effets indésirables déclarés apparaissent chez 88% des patients (à relativiser puisque chez 79% dans la population placebo), mais avec 15% de patients ayant dû interrompre le traitement pour un effet indésirable, et 6% d’effets jugés sérieux (non précisés) s’ils persistaient à 28 jours de l’arrêt du traitement. Le type d’effets indésirables n’a pas été révélé, il est dit néanmoins que des contrôles hépatiques de suivis sont recommandés.
La conclusion de la présentation est que l’ensemble de ces résultats montre que le Masitinib peut être une option thérapeutique positive, avec un ratio bénéfices/risques acceptable dans une fraction de la population atteinte de SLA.
La communauté médicale Européenne regroupée à l’ENCALS a pris note de ces résultats et s’est déclarée favorable à la mise en place prochaine d’une étude européenne, sous réserve des autorisations nécessaires par les autorités Européennes (EMA), et pour la France de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). Cette éventualité pourrait être compromise en France par la publication le 11 mai 2017 d’une décision de l’ANSM portant suspension de l’ensemble des 21 essais cliniques en cours du Masitinib en cancérologie menés par AB Science- SA.